A gauche de la petite route forestière qui mène de La Teste-de-Buch à
la dune du Pyla, près d’Arcachon, se dresse une curieuse butte de
sable, couverte de fougères et de pins maritimes. Sous ce tumulus
oublié, que certains habitants appellent toujours le « cimetière des Nègres », sont ensevelis un millier de corps, pour l’essentiel des soldats africains des troupes coloniales.
Un panneau à l’entrée du mémorial évoque brièvement l’histoire du
camp d’hivernage du Courneau, construit en 1916 à un kilomètre de là.
Ses vestiges ont aujourd’hui disparu. Deux stèles rappellent le tragique
destin des hommes qui, par centaines, y ont péri. L’une, massive, donne
à voir des visages africains sculptés dans la pierre. L’autre, fichée à
flanc de tertre, dit en arabe la grandeur d’Allah. La plupart de ces
soldats étaient musulmans. Aucun nom n’est mentionné. Seuls figurent des
chiffres : « Aux 940 Sénégalais, 12 Russes morts pour la France, 1914-1918 ». Les morts du Courneau, qu’ils soient noirs, malgaches, russes ou français, n’ont pourtant pas toujours été anonymes.
Abrité par les dunes et les pinèdes, situé à proximité d’une
canalisation d’eau potable et desservi par une voie ferrée, le camp du
Courneau accueille les soldats africains débarqués à Bordeaux, afin de
les former au maniement des armes. Il dispose aussi d’un hôpital, où
sont soignées les blessures et les maladies contractées sur le front,
ainsi que les affections pulmonaires.
En 1916 et 1917, les combats font rage dans le nord-est du pays. Des
bataillons de tirailleurs sénégalais (BTS), dont la formation n’est pas
toujours achevée, sont envoyés à la bataille de la Somme, à l’assaut du
fort de Douaumont ou sur le front d’Orient. Beaucoup s’illustrent par
leur bravoure. Quelques jours après son départ du Courneau, le 61e BTS
prend ainsi la tranchée de l’Entrepont sous un déluge de neige, de pluie
et d’obus. Le « sang noir » coule et, au Chemin des Dames, le général Charles Mangin gagne son surnom de « boucher des Noirs ».
Au début de chaque hiver, les « Sénégalais » sont retirés des zones (...)
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